Méthode d’estimation de l’effet du changement climatique sur l’activité économique après adaptation

Ces dernières années, les chercheurs en économie empirique se sont de plus en plus intéressés à l’utilisation des variations aléatoires de la météo pour évaluer les impacts du changement climatique après adaptation. Cependant, les conditions permettant de relier les effets météorologiques de court terme aux impacts climatiques de long terme restent mal comprises. Cette étude établit les conditions nécessaires et suffisantes pour identifier l’effet marginal du climat sur l’activité économique à partir des données météorologiques. Sous ces conditions, les effets marginaux locaux de la météo permettent d’évaluer la réponse à long terme aux variations de climat, y compris dans des scénarios de changement climatique non marginaux. L’application de cette méthode à l’étude du PIB de l’agriculture aux Etats-Unis suggère qu’une hausse de 2 °C des températures pourrait entraîner une baisse de ce PIB comprise entre 6 % et 10 % après adaptation.

Contexte et enjeux :

Depuis les travaux fondateurs de Mendelsohn et al. (1994), les économistes tentent d'évaluer les impacts du changement climatique sur les résultats économiques à partir de données d'observation. Toutefois, un défi majeur réside dans l’identification de l’effet causal du climat après adaptation. En l'absence de conditions idéales permettant de comparer des économies identiques exposées à des climats différents, deux approches principales ont émergé. La littérature "ricardienne" analyse les résultats économiques en fonction des variations climatiques entre régions, tandis que les approches par panel exploitent les fluctuations météorologiques aléatoires. Cependant, ces méthodologies comportent des limites : la première est vulnérable aux biais de variables omises, et la seconde ne permet que d’estimer l’effet de la météo à court terme et non et ceux du climat à long terme après adaptation.

Résultats :

Cette étude propose un cadre théorique et empirique pour relier ces deux approche. En estimant des effets marginaux des variations annuelles de météo dans des localités soumises à des climats différents, les auteurs identifient une fonction de réponse climatique de long terme. La contribution théorique de l’article est de clarifier les conditions théoriques d’applicabilité de cette méthode : l’effet des actions d’adaptation sur l’activité économique ne doivent dépendre que linéairement de la météo. Sous cette condition, l’utilisation des théorèmes de l’enveloppe et du gradient permet d’utiliser les effets marginaux locaux pour construire des contrefactuels climatiques après adaptation. L’application au PIB agricole de plus de 1 000 comtés américains sur 19 ans suggère qu’une hausse de 2 °C des températures pourrait réduire ce PIB de 6 % à 10 %. Ces résultats sont cohérents avec les études paramétriques antérieures sur les rendements et la valeur des terres agricoles.

Perspectives :

Au-delà de l'application au PIB agricole, cette méthodologie ouvre des perspectives pour évaluer les impacts climatiques dans divers secteurs économiques. En rendant explicites les hypothèses structurelles sous-jacentes, l'approche peut être généralisée à d'autres contextes où les effets de l'adaptation sont potentiellement importants. Les auteurs suggèrent également des améliorations méthodologiques, notamment l'utilisation de transformations des variables météorologiques ou la limitation des analyses à des plages climatiques spécifiques, afin de renforcer la validité des résultats. Ces avancées pourraient permettre une meilleure intégration des réponses adaptatives dans les scénarios de changement climatique.

Valorisation :

Ces travaux ont fait l’objet d’un article publié au Journal of Environmental and Economic Management in 2024, et ont été présentés à la conférence de l’Agricultural & Applied Economics Association en 2020, au séminaire de l’Université de Californie à Berkeley Environmental Economics en 2020, au Climate Adaptation Research Symposium de l’Université de Californie à Los Angeles en 2021, à la conférence Climate Econometrics en 2021, au séminaire du département Agricultural and Resource Economics de l’Université de Californie à Davis en 2021,  au séminaire de l’unité Economie Publique en 2021, à la European Economic Association en 2022, à l’École d'économie de Toulouse pour la VI Econometric Models of Climate Change Conference en 2022, au séminaire brown bag de United States Department of Agriculture - Economic Research Service en 2022, à l’African Meeting of the Econometric Society en 2023, à la conférence de la French Association of Environmental and Resource Economists en 2023.

Bibliographie:

Pierre Mérel, Emmanuel Paroissien et Matthew Gammans. Sufficient statistics for climate change counterfactuals. - in Journal of Environmental Economics and Management, (2024), vol. 124. art. 102940