Quelle politique publique pour sortir du glyphosate ?

L’interdiction du glyphosate, herbicide le plus utilisé au monde mais très controversé, semble difficile à mettre en œuvre au niveau européen ou national. Une taxation constitue-t-elle une politique alternative acceptable pour accompagner son éviction ? A l’aide d’une expérience de choix discret, nous avons évalué l’acceptabilité relative de politiques de taxation ou d’interdiction du glyphosate auprès d’un échantillon représentatif de citoyens de 5 pays européens : l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France et l’Italie. Alors que 3/4 des répondants se déclarent en faveur d’une interdiction dans le questionnaire pré-expérimental, notre expérience montre que 2/3 d’entre eux sont susceptibles de préférer une taxation qui résulterait dans une réduction forte (mais pas totale) de l’utilisation du glyphosate à condition que cette politique réduise suffisamment le coût induit sur leur panier alimentaire. Notre expérience permet ainsi de quantifier cet arbitrage entre le gain environnemental de la politique et son coût pour les consommateurs.

Contexte et enjeux :

Le glyphosate, herbicide le plus utilisé au monde, est très controversé en raison de ses impacts environnementaux et sur la santé. Des discussions politiques ont régulièrement lieu au niveau européen et dans les états membres concernant son interdiction ou la réglementation de son usage, mais le sujet soulève de nombreux clivages de par l’importance économique, sociale et environnementale des enjeux associés. Notre étude examine l’acceptabilité relative de politiques de taxation forte par rapport à une interdiction. La taxation conduit à une réduction partielle de l’usage du glyphosate (entre 75% et 95% de réduction dans nos scénarios), mais à un coût moindre pour le consommateur, induisant un arbitrage intéressant à quantifier. Nous avons donc conduit une expérience de choix discret auprès d’un échantillon de 2050 citoyens de 5 pays Européens (Allemagne, Belgique, Espagne, France et Italie) afin d’estimer les préférences déclarées des consommateurs à l’égard des politiques de sortie du glyphosate.

Résultats :

Notre étude montre que les répondants accordent une valeur positive à la réduction du glyphosate et sont donc prêts à accepter une augmentation du coût de leur panier alimentaire pour cela. Toutefois, si 75,5% de notre échantillon se déclare en faveur d’une interdiction du glyphosate dans le questionnaire préalable à l’expérience de choix, lorsqu’ils sont confrontés à un coût associé à la réduction du glyphosate, les répondants ne choisissent l’interdiction que dans 26,7% des choix proposées. Cela montre qu’il y a un arbitrage entre l’ambition de réduction de l’usage du glyphosate et le coût associé. En moyenne, un pourcent de glyphosate résiduel est acceptable s’il réduit le coût de la mesure de 11 cents par semaine pour les individus pro-taxe (ce montant monte à 48 cents pour les individus pro-interdiction). Une politique de taxation ne semble cependant acceptable que si le produit de la taxe est affecté à un programme spécifique (environnemental, sanitaire ou de soutien aux agriculteurs) et non pas au budget général de l’Etat.

Perspectives :


Une alternative de taxation pourrait être préférée à l’interdiction, selon le niveau de réduction de l’usage qu’elle permet, son coût, et l’utilisation du revenu de la taxe. Des études sont donc nécessaires pour chiffrer le coût effectif pour le consommateur de différents niveaux de taxation du glyphosate. Il semble également nécessaire de pouvoir évaluer plus précisément le coût environnemental et sanitaire de l’usage du glyphosate afin de mieux informer les répondants pour éclairer leurs choix.

Bibliographie :
Bjørnåvold A., David M., Mermet-Bijon V., Beaumais O., Crastes dit Sourd R., Van Passel S., and Martinet V. (2023) To tax or to ban? A discrete choice experiment to elicit public preferences for phasing out glyphosate use in agriculture. PLoS ONE 18(3): e0283131.

David M. et Martinet V. (2023) Evaluation de l’acceptabilité des politiques publiques de sortie du glyphosate par une expérience de choix discret. INRAE Sciences Sociales n°1/2023 ; mai 2023.

 

Date de création : 20 novembre 2023 | Rédaction : Régis Grateau